Mélodie Drissia Tabita

Documentariste et ethnographe

 

Production

Ethnographie sonore

 

-La dame au pain biscuit

Poème sonore, 6'54 - 2019.

sound design+texte+dessin Mélodie D. Tabita

Auto-produit avec le soutien du Lab'AF

 

Publié avec le concours de Frédéric Mathevet sur

 L'Autre Musique - R22 Tout-monde

 

 Le ciel est sombre.

 Le chant du vent raisonne fort dans la ville. 

Sur la grande place des sacs plastiques, des sacs-papiers dansent. 

Les mouettes déploient leurs grandes ailes et se font porter par le vent, poisson volant. 

La sirène des pompiers crie sous les derniers coups de minuit.

 

Au loin deux silhouettes au pas léger avancent main dans la main. 

Eux aussi ils flottent, porter par le souffle d’un cœur battant pour deux.

 

Une voix frêle et profonde s’élève entre les ombres errantes.

 

Montagne à gravir attention aux graviers

Qui peuvent faire dégringoler les pieds écorchés

 

À la nuit tombe et tombée, le silence entre sur la place et les petites boutiques tirent le rideau.

Le boulanger, lui, reste sur le seuil, sur le pas de la porte de la boutique et il attend.

Il porte dans ses bras une grande enveloppe de papier chargée de petits pains blonds et ronds.

 

Une ombre apparaît. Elle se déplace légère et régulière. 

Et deux yeux perçants donnent une dernière lueur à ce jour qui décline.

Le boulanger donne à la dame cachée derrière cette ombre la grande poche de pains dorés.

 

Le silence court sur la place et joue avec le vent murmure. Les gens du jour ne sont plus là. 

Ils laissent la place aux Autres, ceux qu’on ne voit pas sous la lumière.

 

Seule, la dame tient place sur la grande place.

 Dans ses mains osseuses, elle porte les petits pains dorés comme des choses sacrées.

Et la douce mélodie vient caresser ses lèvres gercées.

 

Je suis déjà tombé en l’air

J’ai vu sous la terre

 

Le ciel est bleu et la lumière blanche joue à cache-cache derrière les immeubles de la ville qui défile.

 Le vent fait danser ses cheveux et caresse sa nuque comme une étreinte.

Et dans ses yeux à lui, le reflet de son sourire à elle. 

Tous les deux sur la route des éternels, ils ne se quitteront jamais.

 

Je t’aime tu m’aimes

Nous nous émouvons

 

La sirène des pompiers s’éloigne et la lune se dévoile.

On entend le souffle de leur amour avancer comme la vague d’une mer paisible.

Leurs mains, scellées l’une dans l’autre, balancent au rythme d’un chemin infini.

Au loin, une ombre.

 

Au loin, on est toujours l’ombre d’un Autre.

Elle s’approche.

 

Je suis l’esprit du chant de votre amour.

Le vent qui gonfle vos cœurs d’espoirs pour demain.

Le cri des mouettes qui survole votre chemin.

Prenez ce pain, c’est du biscuit. Prenez ce pain.

 

Les mouettes s’affolent volent virevoltent au-dessus du volcan de leur désir inquiet.

Corps fusion cherche dans le cratère de ses entrailles le sentiment de son corps nu.

 

La pente est raide, le sentier étroit et les graviers accrochent le pas.

La route est longue et le souffle court comme la vie. Peut-on lever la tête si le sentier est raide ?

 

 

Je t’aime tu m’aimes

Nous nous émouvons

Je t’émeus tu m’émeus

Nous nous aimons

Montagne à gravir attention aux graviers

Qui peuvent faire dégringoler les pieds écorchés

Je suis déjà tombé en l’air

J’ai vu sous la terre

Je t’aime tu m’aimes

Nous nous aimons.

 

 

Clic !
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© Mélodie Drissia Tabita, 2024.